Jusqu’à 2000, l’imagerie par tomographie d’émission de positon était indiquée uniquement dans le bilan de récidive de cancer colorectal.
En 2003, les indications ont été élargies aux autres organes (œsophage, estomac, pancréas, foie et voies biliaires, et tumeurs neuroendocrines). La TEP est devenue incontournable dans l’imagerie oncologique avec l’utilisation du [18F] fluorodeoxyglucose (FDG).
L’arrivée des caméras hybrides (TEP /TDM) permet de fournir en un examen unique des informations fonctionnelles et métaboliques ainsi que des informations anatomiques. Le but de ce travail est de rappeler les indications courantes de la TEP-FDG en cancérologie digestive en se basant sur les données de la littérature, l’AMM et les SOR.
Le FDG permet d’étudier des pathologies, organes ou tissus dans lesquels une augmentation de glucose est recherchée.
En oncologie, la fixation du FDG est due d’une part à l’augmentation de la captation de glucose par les cellules tumorales, d’autre part à la surexpression des transporteurs membranaires de glucose, et à l’augmentation de la phosphorylation du glucose par l’exokinase intracellulaire.
I/ Le cancer de l’œsophage
Trois indications sont retenues dans le cancer de l’œsophage
- Dans le bilan d’extension initial, la TEP-FDG est indiquée à titre « standard » [6] en complément de l’échoendoscopie et du TDM pour l’évaluation préthérapeutique du statut ganglionnaire et métastatique des cancers de l’œsophage.
Plusieurs données de la littérature ont montré une Se modérée et une bonne Sp de la TEP-FDG respectivement 35 et 100 % par rapport aux autres techniques ; 42 et 82 % pour le TDM et 85 et 53 % pour l’échoendoscopie dans le bilan initial de l’atteinte locorégionale. En revanche pour l’atteinte métastatique à distance la TEP-FDG s’est révélée supérieure aux autres techniques.
Quant à l’exactitude, il n’y a pas une différence majeure entre les 3 techniques. Cependant, l’association des 3 techniques a montré les meilleures performances en terme de Se, Sp et exactitude respectivement 85, 100 et 91 %. Pour la détection de métastases à distance, cette technique s’est avérée supérieure par rapport aux autres avec une Se et Sp respectivement 53 et 89 % vs 32 et 97 % pour le TDM. L’association des 3 techniques permet d’améliorer significativement la Se et la Sp (64 et 100 %). - L’examen TEP peut être proposé dans l’évaluation de la réponse à la radiochimiothérapie [3] et comme facteur pronostique potentiel (une quantification par SUV est préconisée) [2].
- Pour le diagnostic de récidive, aucune recommandation à ce jour. Cependant la TEP est indiquée chez des patients présentant des douleurs et/ou altération de l’état général avec des examens morphologiques conventionnels normaux [1].
II/ Cancer gastrique
La TEP est indiquée en fonction du type histologique de la tumeur. En effet les tumeurs stromales (GIST) fixent intensément le FDG, et la TEP est indiquée lors du bilan d’extension initial et du suivi sous traitement par Glivec [4,5]. A l’inverse le risque de faux négatif est augmenté pour les tumeurs à forte composante en mucine et les lymphomes de bas grade de type Malt.
III/ Cancer du colon et du rectum (CCR)
Les récidives locales ou sous forme de métastases des CCR sont fréquentes les 2 premières années après la chirurgie curative de la tumeur primitive. L’apport de la TEP dans cette indication est largement reconnu pour l’efficacité de détection des récidives ainsi que l’impact dans la prise en charge thérapeutique, avec un taux de modification de l’attitude thérapeutique variant de 25 à 60 % selon les données de la littérature [6,7].
En post opératoire, la TEP permet le diagnostic différentiel entre récidive locale ou fibrose ainsi que pour caractériser les lésions hépatiques (angiome [8] ou métastase), quand ces lésions sont difficiles à déterminer par l’imagerie conventionnelle (TDM, IRM, écho).
La TEP est indiquée également en cas de marqueurs tumoraux élevés et imagerie conventionnelle normale ou douteuse.
Cependant l’évaluation de l’efficacité thérapeutique n’est pas une indication standard. La TEP a une place importante mais à condition de respecter les délais préconisés entre l’examen et la fin de traitement par chimiothérapie (4 à 6 semaines hors protocole) et la radiothérapie (4 mois). La TEP permet aussi d’apprécier l’efficacité du traitement par radiofréquence.
IV/ Cancer du foie et des voies biliaires
La TEP est indiquée comme standard dans le diagnostic différentiel des métastases hépatiques, cholangiocarcinome et tumeurs bénignes dans le cas d’une localisation hépatique isolée. L’absence de fixation du FDG évoque plutôt un angiome et l’hypo voir iso fixation évoque davantage une hyperplasie nodulaire focale (HNF).
Pour le CHC, la Se de la TEP est faible, aux alentours de 50 % pour la détection de la lésion primitive et les métastases [9]. La TEP ne permet pas chez les cirrhotiques de faire la différence entre un nodule de régénération hépatique et un nodule d’hépatocarcinome.
Cependant si la Sp de la TEP est élevée devant un ou plusieurs foyers métaboliques, le diagnostic de métastase, hépatocarcinome ou cholangiocarcinome doit être évoqué.
La TEP peut être indiquée pour la surveillance des patients atteints de cholangite sclérosante [10] (risque élevé de dégénérescence).
V/ Cancer du pancréas
Le bilan d’extension du cancer du pancréas est une indication standard de la TEP [12]. Cependant la TEP n’est pas supérieure au TDM pour l’évaluation de l’atteinte ganglionnaire locorégionale, mais s’avère supérieure pour la détection des métastases à distance en particulier hépatiques [11]. Les études ont montré l’impact de la TEP dans la prise en charge thérapeutique chez 40 % environ [11].
Pour le diagnostic de récidive, l’intérêt de la TEP n’est pas démontré en raison des faibles données rapportées par la littérature et le mauvais pronostic de ces cancers. Cependant, la TEP reste une indication importante à la recherche de récidive devant une élévation inexpliquée des marqueurs tumoraux avec une imagerie morphologique d’interprétation difficile due à des remaniements causés par la chirurgie et la radiothérapie [11].
La TEP est également indiquée pour le diagnostic différentiel entre cancer et pancréatite chronique sous réserve d’une glycémie normale voir inférieure à 7,2 mmoles/l au moment de l’injection du traceur. Les pièges d’interprétation sont liés aux faux négatifs (hyperglycémie et les tumeurs à faible cellularité tumorale) et les faux positifs (poussée inflammatoire d’une pancréatite chronique ou dans certaines pancréatites auto-immunes et infectieuses).
VI/ Les tumeurs neuroendocrines (TNE)
Les TNE bien différenciées captent faiblement le FDG en raison de la faible activité proliférative. Ces tumeurs expriment les récepteurs de la somatostatine (RSST2) et sont donc visualisées par la scintigraphie aux récepteurs de la somatostatine (octréoscanner).
Au contraire, pour les TNE peu différenciées, l’expression des RSST2 est aléatoire et en fonction du degré de différenciation. Ces tumeurs ont un caractère plus agressif et captent le FDG. Une TNE qui ne fixe pas les RSST2 mais le FDG témoigne de l’agressivité tumorale et donc d’un pronostic défavorable.
VII/ Cancer du grêle et du canal anal
Aucune indication n’est retenue à ce jour
Réferences bibliographiques
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L. Saidi,CHU Amiens