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Photothérapie dynamique en gastroentérologie

Introduction

Le principe de la thérapie photodynamique et plus généralement de la réponse cytotoxique après photosensibilisation est un principe ancien découvert au début du siècle dernier [1-4]. C’est en 1950 qu’un dérivé de l’hématoporphyrine ayant la propriété de marquer spécifiquement le tissu cancéreux a été synthétisé, marquant le début de la photothérapie moderne (PDT) [5]. Les premiers essais d’application médicale chez des patients cancéreux ont été présentés par Dougherty en 1978 [6]. En ce qui concerne l’application de la technique au tube digestif, les premiers résultats publiés à la fin des années 1980 [7-8] ont suscité  beaucoup d’enthousiasme et de controverse. Depuis cette période, peu de chose a réellement changé sur le principe, mais l’amélioration des matériaux, du matériel endoscopique, des moyens de dépistage, et la standardisation des procédures permet d’envisager de nouvelles indications au niveau du tractus digestif haut et des voies biliaires.

Bases physiques

La PDT associe trois composants : la lumière (de longueur d’onde spécifique de la bande d’absorption du photosensibilisant injecté), l’oxygène et la molécule photosensibilisante. Le principe est lié à la capacité que possède la lumière délivrée en regard du tissu cible d’activer des composants photosensibilisants incorporés aux tissus. L’énergie photonique ainsi absorbée par la molécule photosensibilisante est transférée en plusieurs étapes à l’oxygène contenu dans les tissus et aboutit à une destruction tumorale par le biais d’un processus d’oxydation lié à l’émission de radicaux libres (figure 1).

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Fig 1 : Mécanisme d’action

Modalités pratiques

Les photosensibilisants

Les photosensibilisants les plus employés sont ceux dits de première génération : l’héma-toporphyrine dérivée (HpD), la dihémato-porphyrine ether (DHE) et le porphymère sodique (Photofrin®) qui est le plus largement utilisé dans le monde et le seul commercialisé en France ayant obtenu l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1996. Ces substances ont un coût élevé et des effets secondaires dominés par le risque de photosensibilité cutané secondaire présent 4 à 6 semaines après l’injection du porphymère.


Fig 2 : Générateur de lumière et fibre optique

Déroulement pratique

Quel que soit le tissu cible, en gastroentérologie, la séquence thérapeutique est identique avec le Photofrin®. La première phase consiste en l’injection intra veineuse du photosensibilisant soit 2mg/kg pour le Photofrin® ; 48 heures après cette injection, délai correspondant au délai minimum pour concentrer le photosensibilisant dans le tissu tumoral (taux 3 fois supérieurs par rapport aux tissus sains voisins), la tumeur est éclairée avec une lumière de 630nm de longueur d’onde (rouge) fournie par une source laser à diodes et transmise par un diffuseur de lumière par une fibre optique (diffuseur cylindrique pour les indications oesophagiennes, fibre optique seule pour les indications biliaires (Fig 2-4). La lumière pénètre dans les tissus sur une profondeur de 3 à 5 mm. La durée d’exposition pour obtenir une réponse est variable selon le type et la longueur du diffuseur utilisé ; elle varie de 12 min 30s pour une fibre de 1cm de long à 15 min 40s pour une fibre de 5cm de long dans l’indication d’un carcinome épidermoïde oesophagien obstructif. Elle est de 12 min pour le traitement des dysplasies de haut grade ou les cancers superficiels de l’œsophage SM1 sans radiothérapie antérieure. Elle est de 10 min pour la même indication avec antécédent de radiothérapie. Pour les cholangiocarcinomes hilaires Bismuth 2-3-4 (Fig 7), elle est constante de 12 min 24s. Pour les cholangiocarcinomes du cholédoque, elle est de 9 min 20s.


Fig 3 : Diffuseur pour traitement oesophagien

Exemple de l’œsophage

La lumière est délivrée par le diffuseur introduit dans le canal opérateur de l’endoscope. La procédure est indolore, mais du fait de sa durée, elle est réalisée sous anesthésie générale. La nécrose tumorale est retardée de 2 à 3 jours et peut être appréciée par un éventuel contrôle endoscopique précoce. Les symptômes présents alors sont dominés par des douleurs retro sternales et une dysphagie ; ils sont peu intenses et disparaissent en quelques jours. Le bilan thérapeutique est effectué à 1 mois par endoscopie et biopsies multiples pour apprécier le caractère complet ou non du traitement. En cas de lésion circonférentielle, une sténose est observée à distance du traitement dans 30 à 50% des cas. Ces lésions sont accessibles à des séances de dilatation itératives avec de bons résultats.

Lors du contrôle précoce, à 2 ou 3 jours du traitement, (Fig 5-6), si le résultat est insuffisant, une séance complémentaire (d’intensité moindre) de 50 Joules/cm pourra être réalisée jusqu’à 96 heures de l’injection de Photofrin®.


Fig 4 : Diffuseur cylindrique

Prévention des réactions de photosensibilité

La thérapie photodynamique est relativement facile à mettre en œuvre. Elle nécessite toutefois une formation spécifique du gastroentérologue et du personnel soignant afin d’optimiser ses résultats et de minimiser ses effets secondaires. L’information préalable du malade est essentielle et aidée par la remise du « guide patient » fourni par le laboratoire Axcan. Le malade devra se tenir à l’abris de la lumière du jour et de fortes lumières intérieures pendant au moins 4 semaines.

Applications cliniques

L’indication d’un traitement par PDT sera posée au terme d’un bilan pré-thérapeutique minutieux et d’une discussion en unité de concertation pluridisciplinaire en oncologie (UCPO). Les indications de l’AMM sont :

  • Les dysplasies de haut grade (DHG) sur endobrachyœsophage (EBO) et les récidives oesophagiennes superficielles après traitement locorégional du cancer de l’œsophage.
  • Les cancers superficiels non accessibles à une autre thérapeutique, les cholangiocarcinomes non résécables et/ou non opérables

Fig 5 : Aspect après une semaine de traitement

Fig 5 : Aspect après une semaine de traitement

Fig 6 : Aspect après un mois de traitement

DHG sur EBO

Le traitement de la DHG se justifie par le risque de dégénérescence proche de 50% à 5 ans. Il a pour but :
De supprimer la dégénérescence présumée superficielle appréciée par l’échoendoscopie.
De détruire la métaplasie intestinale spécialisée pour permettre son remplacement par une muqueuse malpighienne en association avec un traitement au long cours par des inhibiteurs de la pompe à proton (IPP).

La PDT, grevée d’une morbi-mortalité moindre par rapport à une solution chirurgicale type œsophagectomie, parait être une alternative intéressante préférée à une autre technique endoscopique qui est la mucosectomie, encore confidentielle pour des lésions étendues ou circonférentielles, puisqu’elle offre l’avantage d’un traitement global, homogène, minimisant le risque d’ignorer des lésions synchrones ou métachrones au sein de l’EBO restant.

Overholt, en 1999, rapporte les résultats de la PDT chez 100 malades porteurs d’une DHG dont 13 ayant un adénocarcinome. La DHG a été détruite dans 91% des cas et l’EBO dans 43% des cas [9]. Ces résultats encourageants sont confirmés dans une étude multicentrique qui montrait une diminution significative de l’incidence de l’adénocarcinome chez les malades traités par l’association PDT + IPP (13%) par rapport au groupe traité par surveillance + IPP (28%) [10]. Plus récemment, les résultats à 3 ans de la PDT chez 66 malades ont été publiés par une équipe allemande. Une destruction complète de la lésion a été obtenue dans quasiment tous les cas avec une récidive documentée dans 20 à 30% des cas [11].
La récidive ou la persistance d’îlots d’EBO ne contrindiquent pas une éventuelle nouvelle séance de PDT ou la réalisation d’une mucosectomie si la lésion est bien circonscrite.

Cancers œsophagiens superficiels

L’analyse des principales séries (françaises) de la littérature note une bonne efficacité de la PDT dans cette indication avec une destruction complète de la lésion dans 80% des cas quelque soit le type histologique. Les complications, rares, retrouvées dans ces séries sont la sténose cicatricielle œsophagienne et la fistule œso-bronchique. 
La PDT peut à l’heure actuelle être proposée dans cette indication :
    Pour les lésions mal limitées, étendues planes, superficielles (T1N0 ; SM1) après bilan échoendoscopique effectué avec mini sondes de haute fréquence, difficilement accessibles à une mucosectomie.
    En rattrapage après radiothérapie d’une lésion persistante, récidivante ou métachrone.
    En première intention chez les malades inopérables.

Cholangiocarcinomes

La technique est comparable à celle utilisée pour l’œsophage ; le diffuseur est introduit dans le canal opérateur d’un duodénoscope et amené par voie rétrograde sous contrôle scopique jusqu’à la lésion. Le diagnostic de cholangiocarcinome est souvent posé tardivement et dans 70% des cas intéresse le hile avec des lésions Bismuth III ou IV (fig 7) de sombre pronostic à court terme. Pour ces malades, ou les malades ayant un stade moins avancé de la maladie mais ne pouvant pas être opéré, la prise en charge consistait jusqu’à récemment en un drainage palliatif endoscopique ou percutané. C’est en 2003 qu’Ortner et col [12] ont publié les résultats d’une série de malades traités soit par PDT + drainage, soit par drainage seul. Les résultats étaient édifiants et montraient un allongement de la survie très significatif chez les malades traités par PDT de 493 jours contre seulement 98 jours chez les malades traités par drainage seul. 

Autres indications en cours d’évaluation

Le cancer du pancréas via l’implantation de fibres optiques par voie transcutanée [13].

Conclusion

Bien que controversée, la thérapie photo-dynamique semble une méthode thérapeutique anticancéreuse séduisante. Son intérêt est indiscutable chez les malades pour lesquels aucune autre solution n’est envisageable (cholangiocarcinome inopérable). Pour les tumeurs superficielles de l’œsophage ou le traitement de la DHG sur EBO, elle pourrait être recommandée en première intention soit seule soit associée à la technique de mucosectomie. De nouvelles études comparant la chirurgie à ces techniques endoscopiques peu invasives sont nécessaires pour établir une stratégie thérapeutique bien codifiée dans ces indications.

Tableau d’images


Fig 7 : Classification des cholangiocarcinomes selon Bismuth

Références bibliographiques

  1. Raab O. Über die Wirkung fluoreszierender Stoff auf Infusorien. Z Biol 1900;39:524-46
  2. Hausmaun W. The sensiting action of hematoporphyrin. Biochem Z 1911;30:176
  3. Blum HF. Photodynamic action and diseases caused by light. New York:Rhineholt;1941
  4. Figge FHJ, Weiland GS, Manganielle LOJ. Cancer detection and thérapy. Affinity of neoplastic, embryonic and traumatized tissues for porphyrins and metalloporphyrins. Proc Soc Exp Biol Med 1948;68:181-8
  5. Dougherty TJ, Henderson BW, Schwartz S et al. Historical perspective. In: Henderson BW, Dougherty TJ, eds. Photodynamic therapy, basic principles and clinical applications. New York:Dekker; 1992:1-18
  6. Dougherty TJ, Kaufman JE, Goldfarb A et al. Photoradiation therapy for treatment of malignant tumors. Cancer Res 1978; 38:2628-2635
  7. McCaugham JS, Nims TA, Guy JT et al. Photodynamic therapy for œsophageal tumours. Arch Surg 1989 ;124:74-80
  8. Thomas RJ, Abott K, Bhatal PS et al. High dose photoradiation of œsophageal cancer. Ann Surg 1987;206:193-9
  9. Overholt BF, Panjehpour M, Haydek JM. Photodynamic therapy for Barrett’s esophagus: follow up in 100 patients. Gastrointest endosc 1999;49:1-7
  10. Overholt BF, Lightdale CJ, Wang Canto MI, Burdick S et al. Photodynamic therapy with porphymer sodium for ablation of high grade dysplasia in Barrett’s esophagus:international, partially blind, randomized phase III trial. Gastrointest Endosc 2005;62:488-98
  11. Pech O, Gossner L, May A, Rabenstein T, Vieth M, Stolte M et al. Long term results of photodynamic therapy with 5-aminolevulinic acid for superficial Barrett’s cancer and high grade intra-epithelial neoplasia. Gastrointest Endosc 2005;62:24-30
  12. Ortner ME, Caca K, Berr F, Liebetruth J, Mansmann U, Huster D et al. Successful photodynamic therapy for non resecable cholangiocarcinoma: a randomized prospective study. Gastroenterology 2003;125:1355-63

Dr Eric BARTOLI – CHU Amiens

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