D’après Dr S.Benoist, hôpital A.Paré, Paris. Dr E. Vibert, hôpital Paul Brousse, Paris.
La présence de métastases hépatiques non résécables chez des malades porteurs d’un cancer colique ou rectal est fréquente (20% des malades). Le principal objectif du traitement est d’améliorer la qualité de vie des malades, mais parfois un traitement curatif est possible secondairement.
1/ L’équipe de l’hôpital A.Paré différencie la prise en charge des malades en fonction de la tumeur primitive (colique ou rectale) et des symptômes liés à la tumeur primitive.
Pour les cancers coliques, cette équipe a fait une étude cas-témoin qui comparait 27 malades traités par chimiothérapie première à 32 malades ayant une résection première de leur tumeur. La médiane de survie était similaire pour les deux groupes (chimio : 22 mois, résection : 23 mois). 15% des malades du groupe chimio ont été opérés en urgence. Dans le groupe chirurgie, la mortalité opératoire était nulle mais la morbidité était de 20% avec un délai moyen de mise en route de la chimio de 44 jours. La durée d’hospitalisation était plus longue dans le groupe chirurgie (22 versus 11) et le taux de toxicité plus important dans ce même groupe (50% vs 37%). Le choix de cette équipe est d’opérer le primitif colique lorsqu’il est symptomatique et de faire une chimiothérapie première dans les autres cas.
Lorsque la tumeur primitive est rectale, deux situations sont envisagées : si la tumeur est symptomatique, cette équipe recommande d’opérer les patients ayant une complication relevant de la chirurgie (occlusion) et de préférer une radio-chimiothérapie première dans les autres cas. Si la tumeur est asymptomatique, la recommandation est de réaliser une chimiothérapie première et de juger de l’évolution des lésions : en cas d’évolution rapide des métastases, mise en route d’une chimiothérapie de deuxième ligne ; en cas de bonne réponse des métastases, la chirurgie peut se discuter, précédée ou non d’une radiothérapie.
2/ L’équipe de l’hôpital Paul Brousse a évalué la stratégie chirurgicale ancienne qui consistait à opérer la tumeur primitive en premier. De 1987 à 2003, 80 malades porteurs d’un cancer colique ou rectal avec métastases hépatiques non-résécables ont eu une chirurgie de leur tumeur primitive (52 colon, 28 rectum, 23 admissions en urgence, pas de chimiothérapie néo-adjuvante). 56 malades ont eu une résection, 24 une colostomie. La mortalité était de 2.5%, la morbidité de 43%. La mortalité à 3 mois liée au cancer était de 25%. Une analyse multivariée a pu mettre en évidence deux facteurs de risques de mortalité précoce : l’âge> à 75 ans, des ASAT> à 50 UI/ml. Cette équipe recommande d’éviter la résection du primitif chez les malades de plus de 75 ans.
En conclusion, le dogme de la chirurgie première de la tumeur primitive disparaît. La chirurgie garde sa place en urgence. En cas de tumeur non compliquée, la chimiothérapie première semble préférable, et un âge supérieur à 75 ans est une contre-indication majeure à la résection du primitif. Une étude multicentrique de stratégie visant à comparer la chimio première (Folfiri) à la chirurgie première suivie d’une chimio (Folfiri) devrait bientôt voir le jour.
F. Mauvais, CH Beauvais