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N’oubliez pas les ovaires !

Il s’agissait d’une patiente âgée de 78ans, OMS 1, qui a été prise en charge pour un adénocarcinome de la charnière recto-sigmoïdienne associé à des métastases hépatiques synchrones, découvert à la suite de rectorragies et d’une altération de l’état général. L’ACE initial était à 3,3 ng/mL.

Elle avait bénéficié initialement d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien qui mettait en évidence une volumineuse tumeur sténosante de la jonction sigmoïdo-rectale associée à une formation kystique au contact de la paroi sigmoïdienne (Fig. 1). Cinq métastases hépatiques étaient également visibles, la plus grosse mesurant 32 mm dans le segment VI.

Scan 1

Figure 1 : Scanner abdominal initial avec injection : tumeur sténosante de la jonction colo-rectale associée à une formation kystique au contact de la paroi sigmoïdienne (flèche).

Scan 2

Figure 2 : Une des métastases hépatiques sur le segment VI sur le scanner initial (flèche)

 Une colostomie de décharge a été pratiquée devant la survenue d’un syndrome occlusif et la patiente a ensuite bénéficié d’une chimiothérapie par 12 cures de Folfox.

Un scanner thoraco-abdomino-pelvien de réévaluation à huit mois retrouvait une bonne régression des lésions hépatiques (Fig. 4) avec une réponse partielle de 30% selon les critères de RECIST, associée à une augmentation de la taille de la tumeur et de la formation kystique pelvienne, en faveur d’une métastase ovarienne (Fig. 3). Une IRM pelvienne réalisée deux mois plus tard retrouvait une masse qui avait augmenté de taille de 37mm à environ 90mm (Fig. 5).La patiente était symptomatique et une prise en charge chirurgicale a été décidée

Scan 3

Figure 3 : Scanner abdominal avec injection : masse de la charnière recto-sigmoïdienne avec masse solido-kystique rétro-pelvienne droite en augmentation à huit mois (flèche).

Scan 4

Figure 4 : Métastase hépatique du segment VI en régression à huit mois (flèche)

IRM 4

Figure 5 : IRM pelvienne en T2 en coupe sagittale : masse solidokystique au dépens de l’ovaire droit à dix mois

Il a été réalisé une résection sigmoïdo-rectale et une ovariectomie bilatérale. L’examen anatomopathologique mettait en évidence un adénocarcinome lieberkühnien moyennement différencié de la charnière recto-sigmoïdienne avec une faible réponse d’environ 5% à la chimiothérapie. L’ovaire était en faveur d’une métastase de l’adénocarcinome digestif. La tumeur a alors été classée yp T4b N1b M1b, soit de stade IVB selon la classification TNM.

Discution

Lors de la découverte du cancer colo-rectal, des métastases synchrones sont retrouvées dans 15 à 20% des cas. Par la suite, des métastases seront observées dans 40 à 60 % des cas [1]. Les métastases hépatiques sont les plus fréquentes et sont résécables seulement dans 10 à 20% des cas [2]. L’apparition de métastases ovariennes est plus rare, soit 1,4 à 4% des cancers colo-rectaux [3]. Elles sont métachrones chez plus de trois quarts des patientes [4] et sont rarement isolées. Le pronostic est alors plus sombre [5] avec une médiane de survie sans maladie autour de 54 mois [4]. En effet, elles ne sont que très rarement chimiosensibles et évoluent plus rapidement vers une carcinose péritonéale. Dans notre étude, la tumeur ovarienne droite était synchrone à la tumeur colique et a progressivement évolué malgré la chimiothérapie. Goeré et al. [4], dans leur étude, ont retrouvé un taux de chimiorésistance des métastases ovariennes dans le cancer colo-rectal de l’ordre de 87%.

Les métastases ovariennes sont des facteurs de risque de carcinose péritonéale : en effet, Honoré et al. [6] dans leur revue de la littérature de 4395 patients retrouvent une incidence entre 56 et 62% de risque de carcinose péritonéale chez les patientes ayant des métastases ovariennes synchrones isolées. Une chimiothérapie hyperthermique intra-péritonéale (CHIP) prophylactique peut être réalisée si une A s s o c i a t i o n P i c a r d e d e C a n c é r o l o g i e D i g e s t i v e résection R0 est envisagée ; l’essai PROPHYLOCHIP en cours [6] évalue ce traitement.

Les métastases ovariennes sont des facteurs de risque de carcinose péritonéale : en effet, Honoré et al. [6] dans leur revue de la littérature de 4395 patients retrouvent une incidence entre 56 et 62% de risque de carcinose péritonéale chez les patientes ayant des métastases ovariennes synchrones isolées. Une chimiothérapie hyperthermique intra-péritonéale (CHIP) prophylactique peut être réalisée si une résection R0 est envisagée ; l’essai PROPHYLOCHIP en cours [6] évalue ce traitement.

Le traitement des métastases ovariennes est l’ovariectomie bilatérale associée à une résection de la tumeur primitive pour atteindre la résection R0 si possible. Goeré et al. [4] mettent en évidence 35% de métastases ovariennes bilatérales dans leur étude, sur les données de l’analyse anatomopathologique systématique de l’ovaire controlatéral macroscopiquement sain. L’hystérectomie est à pratiquer seulement si nécessaire. Le statut de pré- ménopause est associé à une augmentation du risque de métastases ovariennes [7]. Une ovariectomie bilatérale pour métastases en situation palliative peut être également proposée même en cas de métastases extra-ovariennes non résécables compte tenu de la chimiorésistance de cette localisation [4] (avis d’expert) comme dans le cas de notre patiente.

L’annexectomie bilatérale prophylactique se discute chez les femmes opérées d’un cancer colo-rectal pour diminuer le risque de métastases ovariennes à distance [8]. Certains la recommandent de façon systématique. Young-Fadok et al. [9] ont réalisé une étude rétrospective randomisée comparant 149 patientes ayant un cancer colique ou rectal. Elles étaient randomisées en fonction de l’annexectomie prophylactique. Les courbes de survie mettaient en évidence un bénéfice de survie entre deux et trois ans après l’intervention, mais il n’y avait pas de différences significatives à cinq ans.

Messages clés à retenir

  1. Les métastases ovariennes des cancers colorectaux sont présentes de 1,4 à 4% des cas.
  2. Le pronostic est médiocre, du fait de la chimiorésistance.
  3. Le risque de carcinose péritonéale chez les patientes ayant des métastases ovariennes est de l’ordre de 56 à 62%.
  4. Une chirurgie par annexectomie prophylactique bilatérale est à discuter en fonction du statut hormonal de la patiente.

Bibliographie

  1. TNCD 2016. Cancer colorectal métastatique. 2016.
  2. Kawai K., Ishihara S., Yamaguchi H., Sunami E., Kitayama J., Miyata H., Sugihara K., Watanabe T. Nomograms for predicting the prognosis of stage IV colorectal cancer after curative resection: a multicenter retrospective study. Eur. J. Surg. Oncol. 2015; 41: 457–465.
  3. Blamey SL, McDermott FT, Pihl E, Hughes ES. Resected ovarian recurrence from colorectal adenocarcinoma: a study of 13 cases. Dis Colon Rectum. 1981; 24: 272–5
  4. Goéré D, Daveau C, Elias D, Boige V, Tomasic G, Bonnet S, et al. The differential response to chemotherapy of ovarian metastases from colorectal carcinoma. Eur J Surg Oncol 2008; 34: 1335-9
  5. Lee SJ, Lee J, Lim HY, Kang WK, Choi CH, Lee JW, Kim TJ, Kim BG, Bae DS, Cho YB, Kim HC, Yun SH, Lee WY, Chun HK, Park YS. Survival benefit from ovarian metastatectomy in colorectal cancer patients with ovarian metastasis: a retrospective analysis. Cancer Chemother. Pharmacol. 2010; 66: 229-235.
  6. Honoré C, Goéré D, Souadka A, Dumont F, Elias D. Definition of patients presenting a high risk of developing peritoneal carcinomatosis after curative surgery for colorectal cancer: a systematic review. Ann Surg Oncol. 2013; 20: 183- 92.
  7. MacKeigan JM, Ferguson JA. Prophylactic oophorectomy and colorectal cancer in premenopausal patients. Dis Colon Rectum. 1979; 22: 401-5.
  8. Irons R., McIntosh E., Hageboutros A., Warshal D., McClane S. Bilateral ovarian micrometastatic adenocarcinoma upon prophylactic oophorectomy concurrent with low anterior resection for rectal cancer. World Journal of Surgical Oncology. 2017; 15: 40.
  9. Young-Faddok TM, Wolff BG, Nivatvongs S, Metzger PP, Ilstrup DM. Prophylactic oophorectomy in colorectal carcinoma: preliminary results of a randomized prospective trial. Dis Colon Rectum. 1998; 41: 277-85.

Julia Gobert, François Mauvais (CH Beauvais) et la RCP régionale de cancérologie digestive sous l’égide de l’APCD

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